Le Soi conscience pure et l'ego
Par David Ciussi
Les traditions orientales nous parlent beaucoup du Soi pour décrire cette expérience instantanée de conscience qu’est l’illumination, l’Être, opposé « à notre petit moi », l’ego. L’’ego serait donc cette représentation mentale que j’ai de moi, identité séparée du tout, ce moi partiel et artificiel.
Qui suis-je vraiment ? le Soi/ conscience pure ou l’ego ?
Pourquoi ai-je l’intime sensation qu’une caméra de surveillance observe mes faits et mes gestes à l’intérieur de moi-même ?
Suis-je uniquement ce chroniqueur et ce critique de mes actes passés et futurs ou ma véritable nature est-elle cette présence-acuité silencieuse sans pensée qui se vit dans l’instant présent ?
Quel est ce procédé de mon imaginaire qui accorde une réalité à cette oscillation entre l’aspiration à être le Soi et le constat de ne pas l’être ?
Essayons de décrire la différence entre le Soi conscience pure et l’égo.
Qu’est-ce que L’ego, sa fonction et sa mise en scène.
- L’égo, c’est le masque qui se prend pour le visage originel, c’est l’identification à la personnalité limitée, c’est le verre qui pense contenir l’espace. C’est un processus mental qui nous illusionne sur la nature ultime de la réalité.
- La fonction de l’égo consiste, en permanence, à coller des images. Il additionne les images-souvenir partielles et momentanées de notre vie, afin de créer son album photos et ainsi prouver son existence temporelle. Son pouvoir c’est l’identification à l’image. Son tour de magie consiste à nous faire croire que nos pensées sont réelles, que le temps, le passé et le futur existent.
Comment se met en place cette mise en scène ?
Lorsque vous visionnez un film, vous vous attachez uniquement au défilement des images sur l’écran en leur donnant un sens, ne vous souciant guère du mécanisme et du processus de leur apparition. Ce qui donne du mouvement, de la continuité et de l’apparence aux personnages du film, c’est la séquence du défilement des images (24 par seconde). Elles nous apparaissent collées les unes aux autres alors qu’en réalité elles se succèdent selon une cadence déterminée.
De la même façon, dans notre esprit, se dresse cette mise en scène dont nous ne sommes pas conscients. Nos pensées sont des images mentales qui, défilant à une certaine fréquence, nous donnent l’illusion de la continuité de notre histoire personnelle.
L’illusion s’auto-séduit par la pensée mentale et se laisse « camisoler » par l’intellect qui va raffiner l’explication de sa prison en analysant le contenu de chaque image et en oubliant l’ensemble du processus conscient. Ce n’est pas en analysant le contenu de chaque image que je peux devenir conscient du processus pensant ; l’image suivante est déjà là .
En réalité il existe un intervalle entre deux pensées, la conscience pure, matrice sous-jacente à l’apparition de ces pensées, qui est toujours là et sans qui rien n’existe. Veiller est avant de penser.
L’erreur de l’intellect est de lire uniquement les images mentales en oubliant la source qui lui donne vie.
Qu’est ce que la connaissance pure ? le Soi.
La connaissance pure est le fruit de sa propre révélation, des signes visibles, des instants simples seulement lus par les yeux de l’âme.
Elle est cette grâce de transmission par laquelle « Je suis », le Soi intemporel et illimité, dévoile la logique de l’erreur en offrant la vérité. C’est le processus d’être conscient des merveilles de l’être, en vivant au cœur de la métamorphose. La connaissance pure est cette intelligence intuitive se reconnaissant au cœur de mon âme personnelle, connaissance fluide et observateur immobile, unissant le point d’équilibre à son mystère, instant précieux, contenant l’éternel sans frontière.
Pourquoi « le Soi » choisit-il une âme personnelle pour se partager et s’offrir, cela reste un mystère.
Ce miracle intemporel et renaissant se produit bien en moi, humain, enfant sacré de la connaissance pure.
C’est dans cet intervalle conscient que la semence de la naissance éternelle est déposée. Alors, naissant au monde naissant, je suis conscience avant de penser, et toute chose est ma substance. Je suis cette qualité insaisissable de silence dans l’étonnement d’être vivant « moi personnellement impersonnel ».
C’est dans cette qualité entre deux pensées que le silence pollènise « l’étonnement de vivre » jaillissement de l’instant présent naissant ici et maintenant. Ici se trouve inscrite mon existence, genèse de toutes les espèces. Ici il n’y a pas de questionnement, il y a de l’existence, « je suis cela ».
Quelle est la « différence » entre un être qui vit la liberté et celui qui ne la vit pas ?
Le premier est semblable à une voiture qui roule, l'autre possède exactement la même voiture, mais elle est en pièces détachées ! Le premier glorifie la liberté, il est le « conducteur » de l'intelligence de la transformation, l'autre met en place un principe de séparation et s'exclut du tout aimant.
Quittant l'universalité, il se réduit à une existence en « kit » où toutes choses, y compris lui- même, deviennent vides de sens.
L'illumination est cet acte de l'intelligence mettant ensemble ce qui existe déjà .
La connaissance pure est ce processus de cognition et de transmutation, qui révèle la lumière divine et l'ordre universel, dans tous les aspects vivants de la création.
Pourquoi ne suis-je pas toujours le Soi ?
Je me laisse impressionner par mes pensées qui me font croire que je ne suis pas entier et qu’il me manque quelque chose. L’égo m’impose une idée mentale de ce que le Soi doit être en inventant la dualité. Il crée dans mon esprit l’image virtuelle d’un chercheur devant cheminer sur un faux chemin, pour trouver plus loin et plus tard ce qui est ici. « Je pense donc je fuis ici et maintenant » Faisant cela je tue la créativité et le dynamisme de la réalité qui me « fait » dans cet instant. Je sacrifie le moment présent perdant ainsi toute chance d’être libre.
Comment faire pour devenir de plus en plus conscient de ma nature véritable ?
Voici une proposition de douze intentions pour actualiser la transformation :
- Porter mon attention sur le moment présent. Prendre conscience que seul l’instant vécu pleinement est porteur de réalité. « Ma vie » est ce seul instant. Tout ce que je dois accomplir et reconnaître est toujours ici.
- Conscientiser la relation dans mon corps en portant l’attention sur la respiration et les sens. (« Penser, c’est être dérangé des yeux Pessoa »)
- Être vrai avec mes émotions en me posant la question : « Qu’est-ce qui se passe en moi, là tout de suite ?
- Être dans la pensée-action, c’est-à -dire vivre complètement l’acte qui se déroule sans penser au résultat.
- Accepter les choses comme elles sont. Ne pas continuer à les imaginer comme je voudrais qu’elles soient. Une journée ne doit pas être, elle est.
- Devenir de plus en plus conscient quand je m’enferme dans une pensée. Sentir comme cette pensée juge, affirme en me figeant dans une pseudo concrétude alors qu’elle n’est qu’un nuage sur lequel je ne peux m’appuyer !
- Prendre conscience du jugement quasi-immédiat qui naît en moi-même à la moindre difficulté.
- M’aimer comme je suis. Le dernier jugement que j’ai sur moi-même étant « le jugement dernier ».
- Reconnaître que j’aime « faire mon cinéma » car nourrir le mental me donne l’impression d’exister.
- Pratiquer « l’oubli-gation » de la victime, c’est-à -dire, décider de dire « ça suffit » aux pensées ruminantes.
- Me préoccuper plus de mes émotions-réactions, dans une situation donnée, plutôt que d’accuser l’autre avec « le tu qui tue »
- Découvrir la propre symbolique de mes rêves pour voir comment mon inconscient me parle et comment mon mental me leurre dans la journée.
La compagnie et l’amitié d’hommes simples, témoins de cette sagesse, est aussi un préalable pour vivre une aventure vers l’autonomie, l’auto-référence et la liberté.
Sur le chemin spirituel, seul ce qui est reconnu en vous, par expérience directe et immédiate, est source de transformation.
Alors, bienvenue à l’homme courageux épris de liberté qui, d’ici et maintenant, part pour la plus noble des batailles : choisir de lâcher ses peurs et ses habitudes mentales pour retrouver sa véritable nature, mémoire sainte de l’instant présent et de l’étonnement d’être en existence.
Participant à cette poésie créatrice, l’homme accomplit son devoir, il se reconnaît « bienheureux ». L’allégresse est son activité, poésie première du surgissement originel de la vie.
Cette intention de la lumière divine, ce pardon en actes est l’activité du créateur
qui manufacture chaque instant l’univers entier.
Étant dans l’intimité de l’Être, l’homme rentre chez lui.
Alors sa véritable nature, les étoiles, le soleil, les hommes, les animaux, les plantes,
ne sont pas une autre vie…