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L'innocence, l'ignorance, la Renaissance…

Par David Ciussi

L'INNOCENCE

Enfant, j’avais le sentiment d’être présent, baigné et immergé dans un lait matriciel, silencieux, translucide, immobile, source de « Je ».

Je n’avais pas de voix, de forme, premier, sans autre, ni extériorité. J’étais glorieusement seul d’être tout, auréolé d’une « famille » lumineuse de vérité et d’amour. Les chants devinrent musique, paroles, vie. Je naissais souffle, infini espace, lové d’arcs en ciel en arcs en ciel, mes mains étaient galaxies, mes doigts inventaient et jouaient avec l’espace, mon corps était tissé par les étoiles filantes et les pouponnières d’étoiles… J’étais joie, un hymne cosmique sans forme ni désunion.
Progressivement ma singularité devint… :
« Je suis humain et JE » au même instant, au même endroit, simultanément partout… Dans cet instant, régnait une atmosphère sacrée d’être, d’être aimé et d’aimer infiniment comme un parfum de vérité insaisissable.
Je ressentais la douce caresse de l’effleurement intemporel jouant avec le temps et son amie l’immortalité… j’étais lové dans le mouvement de l’éternité, de l’activité animée, avec un sentiment d’ineffable repos.
Je jouais de jour, de nuit, avec les aurores lumineuses, changeantes, inventives.
La nuit, j’allais veiller où vont dormir les rêves. Je devenais diamant ou rivière d’or.Je me lovais dans la chambre de mon esprit, glorieusement seul... et Tout à la fois. Arrivait le moment que je chérissais ma propre naissance et simultanément la naissance de l’aube du temps et de son ami l’espace illimité. Je vivais le miracle de la naissance de la vie…

 

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En grandissant je restais innocent, joyeux de jouer avec les amis du quartier avec parfois des bleus au corps jamais à l’âme…. C’était la vie avec tous ses défis. Nous apprenions à vivre en faisant l’expérience de tous les sentiments sans filtrer les dieux et les diables.

Nous aimions ressentir, avec une passion ardente, le feu d’artifice du premier baiser, la tristesse, la colère, les rires, la joie, le bonheur. Tous ces sentiments vécus… devenaient de vrais sentiments de compassion, d’indulgence, de bonté, de générosité, de confiance, de pardon, de communication vraie partagée. Ils étaient des expériences directes, illuminatrices, un enseignement vivant, une compassion vécue, non pas prêchée ou idéalisée.   

Tout était une expérience à vivre, un face à face avec l’inconnu, quotidien heureux ou malheureux. Rien n’était spéculé dans notre esprit. Notre amitié était portée par le témoignage de notre vécu élevé par l’émotion créatrice et l’action d’une « pensée laser » . Celle-ci ne laissait pas de traces de ruminations mais des apprentissages dans lesquels les échecs étaient pédagogiques, non traumatiques.

Puis vers l’âge de 14 ans, ces impressions d’enfance devinrent des gouttelettes de brouillard froid… je ne savais plus faire la différence entre la joie innocente d’aimer apprendre et… penser « mentalement ». J’oubliais de jouer avec mes pensées. Les règles normales éducatives devenaient des injonctions, des évaluations, Les éducateurs et l’éducation étaient « rentrés » dans ma tête comme des autorités extérieures qui me pointaient du doigt.   
Un drame naissait dans les sous-bois ombragés de mon âme. Je me sentais coupé de ma joie de vivre, J’avais perdu mon innocence d’être, j’étais perdu dans le labyrinthe de mes pensées.  Le fardeau du temps était devenu lourd à porter et la lumière de la joie faiblissait comme une bougie exposée au vent des pensées.

Alors, par instinct de survie, je fis comme « les autres », je saisis « le masque » pour me cacher de l’extériorité, en espérant dissimuler mon agonie intérieure…
Heureusement… ce cauchemar n’a duré que quelques années ! Elles ont été pédagogiques à souhait pour discriminer entre l’innocence et l’ignorance.

L'IGNORANCE

L’ignorant est comme le fou qui parle seul dans la rue … Dans son cauchemar, il dialogue, interagit avec un « autre » qu’il pense réel. Il est seul mais « il pense » !  Il ne fait pas la distinction entre « Quand je suis, je suis - quand je vois, je vois -  et quand je pense, je pense. ». Le lien avec le réel interne et externe est brisé. Il est comme dans un jeu vidéo. Tout est artificiel, il est dans un rêve en plein jour, mais ne le ressent pas, ne le devine pas.  Il pense, collé à son masque, sa dépendance, ses jugements, ses croyances, ses certitudes. Son image-moi s’est agglomérée en MOI, avec ses questionnements sur la brisure plutôt que sur la découverte de la vérité qui nous habite et nous fonde.

Soyons lucides de ne pas reprendre ces différents "koans" sur l'inaction d'une façon généraliste, comme des perroquets, en restant prisonnier de la logique de la dualité.

Bien sûr, l’instructeur averti offre « ces grandes phrases » à celui qui peut les faire grandir dans son cœur comme des graines fécondes car, de son point de vue d’humain illuminé, effectivement, il n'y a rien à faire, puisque l'humain n'est plus l'agissant à titre personnel, il est "'agi et vécu". C’est l’intelligence universelle qui se parle dans son intelligence personnelle, il est la voie sans voix où toutes les voies sont Une et complémentaires.

Alors ces questions sont-elles pédagogiques ou renforcent-elles cette image-moi ?

Dans la découverte de notre auto-apprentissage, les questions sont le miel relationnel lorsqu’elles éveillent la sensibilité, l’intelligence, la pédagogie d’aimer apprendre. Si elles contiennent les soupirs, les plaintes se transformant en doutes envers les autres et la vie, elles perdent le goût du défi personnel et de l’aventure collective.

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Lorsque vous vous posez des questions sur votre origine, vous supposez que vous n’êtes pas en lien avec elle, vous supposez que le lien est rompu. Si vous ne savez pas où vous habitez, comment voulez-vous reconnaitre votre maison ! Vous passerez toujours à côté. Faisant cela, vous ne parlez pas de vous mais d’une hypothèse mentale, un jugement comme le « fou parlant tout seul ». « Moi, je ne me connais pas... et je ne peux pas me connaitre. »  
Ce jugement sur vous- même et la culpabilité de votre ignorance ne vont plus vous donner accès à l’étonnement, à l’émerveillement.  

La joie d’apprendre à relever tous les défis de la sensibilité relationnelle, de l’intelligence émotionnelle et de l’action juste vont vous quitter. Pourtant, quand vous étiez enfant, tous les apprentissages, de la position debout, de la marche et du langage etc. ont été validés sans la pensée mentale et ses interminables discussions…

LA RENAISSANCE : Je suis celui que je cherche.
 

Les souvenirs saints m’inspirent, me guident, je m’explore comme l’enseignement s’explore… un jeu inlassablement ludique comme un passage, une fenêtre d’auto-connaissance qui se renouvelle infiniment. Je me sens un élève devant l’instructrice :  la Vie de l’instant éternel.

Faisons une petite analogie terrestre : vous avez décidé de vous découvrir en partant vers le sommet d’une montagne. Vous y arrivez. Là, vous rencontrez un grand silence, une vision à trois cent soixante degrés, un instant d'éternité.  Vous ne pensez plus. Ce que vous êtes à ce moment-là, jamais vous ne l'oublierez. Cela vous habitera pour toujours. Ce point de conscience personnel, infini et cette vision transforment votre être tout entier.  Vous ne serez plus jamais le même. Vous deviendrez le connaisseur de votre découverte, vous n'aurez plus à courir à travers le monde pour vous découvrir.  Cela se fait toujours à l'intérieur de vos yeux, de vos oreilles, à l'intérieur de votre intelligence, de vos émotions, de votre corps. Tout se fait à l'intérieur de votre âme, à l’intérieur de l'intérieur et simultanément à l’extérieur.

Nous découvrons qu'au milieu de tout cela, il y a une vie bien plus précieuse que celle imaginée lorsque nous vivions dans la dualité.

Je voudrais insister sur le fait qu'il n'y a jamais rien eu de « répréhensible » en nous, même l'image-moi devient un passage pédagogique lorsque nous ne nous identifions plus à elle. Nous devons simplement la domestiquer, l'apprivoiser pour ne pas casser l’élastique du lien avec l’esprit de la découverte. Apprendre à ressentir est une fulgurance dans notre esprit, le corps en éveil, l’âme individuelle avant la pensée, l’esprit pur avant la matière et l’espace-temps. Mystère d’être personnellement et impersonnellement infiniment.

Pour redécouvrir ce lien sacré, il y a cet immense paradoxe : nous devons apprendre à respecter notre image-moi.

Plus nous l'accepterons dans sa fonction, plus notre discrimination deviendra intelligible entre je suis et je ne suis pas, je m’aime ou je ne m’aime pas. (S’il n’y a pas cette lucidité de notre intelligence, alors tous les délires sont permis.)

Cela nous aidera à être vrai, honnête, plus proche de notre vécu intime, sacré, humain devenant « divin » dans l’espace de notre conscience à la fois éternelle et quotidienne.  Nous vivrons dans une compassion vivante pour nous-même et toutes les activités de la vie. Là, nos interactions ne seront plus automatisées par les circuits de la peur, le jugement, la culpabilité, la violence etc. Nous serons libres de tous les conditionnements appris sans joie. Nous pourrons nous accepter en toute humilité sur la base de la lucidité en nous mettant à la bonne distance.


 

Quelque chose de plus constant s'installe alors dans notre âme bien au-delà de ce que nous pensons : retrouver et plonger au plus profond de notre âme pour créer un face à face avec l'expérience et l'expérimentateur : découvrir que cette expérience est ce que nous sommes et ce que nous avons toujours été.  « Le méditant est la méditation. »

Vivre dans ces profondeurs, dans ces beautés pures et absolues, c’est découvrir vraiment notre image sacrée, notre transfiguration. Elle se renouvelle tout le temps, plus belle, plus pure et paisible.
Comme dans le monde de notre enfance, tous les souvenirs saints de la première fois laissent une référence, un goût comme un baume de bonheur.
 
Cultivez l’esprit de la première fois… des milliers de fois comme si c’était la première fois… C'est ainsi que fonctionnent les sens et la connaissance directe. Avez-vous déjà remarqué combien il est agréable de voir ce qui n'a jamais été vu, d'entendre ce qui n'a jamais été entendu, de ressentir ce qui n’a jamais été ressenti, etc.  

Ces sensations et ces impressions sont neuves. Vous êtes neufs parce que vous explorez ce que vous n'avez jamais pensé, jamais imaginé, jamais inventé, jamais aimé. Dans cette exploration, la pensée conceptuelle, qui a besoin de mémoire et d'images, n'est pas activée, mais, la joie exister oui.

Alors, chaque lieu se suffit à lui-même.  Ce voyage est très précieux parce qu'il vous permet d’être surpris, ému de ressentir que vous ne pensez pas, que vous ne faites plus appel à votre mémoire. Vous êtes présent à une qualité émotionnelle qui ne dépend pas des objets, de la valeur des choses, du désir instinctif de prendre, de posséder ou de paraitre, mais du ressenti d’un lien affectif, une qualité d’être que l’on nomme la joie. « Elle se cultive par les gestes de conscience, elle se stabilise lorsque « le penseur ou l’image-moi » s’efface parce qu’il s’est pardonné, réconcilié avec lui-même.

Immédiatement, car c’est toujours immédiatement, qu’émergent la paix, la liberté, la joie pour celui qui ose s’aventurer en amont de toutes considérations et qui connait le refuge de son âme d’éternel enfant. L’éternel ami y réside, votre innocence glorieuse aussi.

Avec toutes ces années, je prends conscience que mon innocence n'a pas vieilli.  Elle n’est pas altérée par les souffrances du temps.
Je suis ici vivant comme est vivante une fleur, sans pourquoi, ni comment.  
Je suis dans un lieu saint et sacré lové dans l’espace illimité de mon esprit, ridé mais non vieux.
Je suis un secret comme la goutte d’eau est le secret de l’océan, la graine, le secret de la transmission de l’arbre, comme l’atome contient le big bang, le fleuve la source, et vous, vous êtes le secret de l’existence, le secret vivant de la vie. Oui le temps n’a rien corrompu, l’espace a permis le jardin d’Eden, la terre

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